samedi 2 mai 2020

Orthographe : rouvrir ou réouvrir ?

L'école , la crèche, la bibliothèque vont elles rouvrir ou réouvrir ?

Régulièrement, on entend dire que quelque chose a «réouvert » (alors qu’on attendrait « rouvert »). À la décharge de celles et ceux qui emploient le verbe réouvrir, le nom correspondant est « réouverture » et de nombreux mots sont formés avec le préfixe ré-. S’agit-il réellement d’une faute d’orthographe ? Y a-t-il d’autres cas similaires ? Voici quelques éléments pour s’y re-trouver !

Robert et Larousse en désaccord

Tableau Le Poison de Magritte représentant une porte ouverte
Le verbe rouvrir est composé du verbe ouvrir, précédé d’un « r- ». Ce « r- » (que l’on trouve aussi sous la forme re- ou ré-) traduit l’idée de retour, de répétition.
Le Petit Robert ne reconnaît que « rouvrir », le verbe signifiant « ouvrir de nouveau (ce qui a été fermé) ». On peut rouvrir une porte, un magasin, un débat… ou rouvrir tout court !
Jusqu’ici, tout va bien.
Mais en consultant Le Petit Larousse illustré 2017, nous découvrons, à l’entrée « rouvrir » : « rouvrir ou réouvrir », le second terme apparaissant comme une variante du premier. Larousse a-t-il choisi de se conformer à « l’usage », quand bien même ce dernier serait controversé ?
Pourtant, sur son site Internet, Larousse met en garde contre cet emploi qui a tendance à se généraliser : « Attention, dans l’expression soignée, et en particulier à l’écrit, on emploie rouvrir et non réouvrir. »
Cautionnée par l’un des dictionnaires de référence, la forme « réouvrir » doit-elle être considérée comme fautive ? Comme toujours, l’étymologie va nous aider à y voir plus clair.

Un « e » muet devenu sonore ?

Si le verbe rouvrir et le nom réouverture ne sont pas formés de la même manière, c’est parce qu’ils ne sont pas apparus à la même époque.
D’après cette publication du CSA, le verbe est le plus ancien des deux. Attesté au XIe siècle, il s’est d’abord écrit reouvrir : le « e » ne se prononçait pas. Au fil du temps, le préfixe re- s’est maintenu devant une consonne ou un « h aspiré » mais il est devenu « r- » devant une voyelle ou un « h muet » (rassurer, rhabiller). Voilà comment le « e » de reouvrir a disparu pour donner « rouvrir ».
En revanche, pour former « réouverture », le plus moderne des deux, on a accolé le préfixe – au nom ouverture, sans plus de cérémonie ! Cette graphie a été attestée par l’Académie française en 1835.

Re-, préfixe source d’hésitations…

Ce n’est pas la première que le préfixe re- nous donne du fil à… retordre. Prenons le cas du verbe animer : on peut le transformer en « ranimer » ou en « réanimer », qui ont des sens différents.
« Ranimer » a un sens plus large que « réanimer », le premier étant apparu avant le second. Ranimer signifie « redonner de la vie, de l’animation, de la vigueur, de la force », au sens propre comme au figuré (ranimer les troupes, ranimer la flamme). Par conséquent, mieux vaut réserver « réanimer » à la réanimation médicale.
Autre maladresse courante : dire qu’on est « rentré » quelque part. Pour ce faire, encore faut-il en être sorti ! Après une journée de travail, on rentre chez soi, mais on ne fait qu’entrer dans bon nombre d’autres lieux : dans un musée, dans un pays étranger, dans la vie active…
De même, nous ne « rajoutons » du sel à un plat que si nous en avons déjà ajouté au préalable !
Ce genre de distinction peut paraître superfétatoire, mais si l’on employait les bons mots, ils diraient bien plus de choses de nous !

Conclusion

Nous pourrions conclure en disant que « rouvrir » est plus élégant, et cantonner « réouvrir » à l’usage populaire, mais il n’en est rien. En réalité, c’est « rouvrir » qui est la forme la plus simple et « réouverture » la forme la plus savante.
Nous laisserons donc le dernier mot à l’Académie française. Dans la huitième édition de son Dictionnaire (1932-1935), elle ne reconnaît pas le verbe « réouvrir ». Pour savoir si son point de vue a évolué (ce qui nous étonnerait grandement), il faudra encore patienter. En effet, l’Institution s’est attaquée depuis peu à la lettre « r » ! Nous rouvrirons ce dossier dans quelques années…

Aucun commentaire: