dimanche 26 janvier 2025

Contribuer au travail de mémoire...

 Commémoration du 80 ème anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz-Birkenau



À l'occasion de la cérémonie du 80e anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz-Birkenau, le 27 janvier 2025, retrouvez le message de madame Patricia Miralles, ministre déléguée chargée de la Mémoire et des Anciens combattants.


"Il y a 80 ans, les soldats de l’Armée rouge libéraient le camp d’Auschwitz-Birkenau. Dans la neige d’une plaine de Pologne, dans les boues gelées de ces terres qui servaient jadis à nourrir les hommes, ils passent devant des miradors désertés et franchissent des lignes de barbelés agressivement lancées vers le ciel. Ils y découvrent alors une horreur qui hantera l’espèce humaine pour l’éternité.


Partout gisent des corps abandonnés. Amassés et liés les uns aux autres par le gel, éparpillés sur les paillasses et à l’intérieur des baraquements, les morts sont partout. Entre eux, errants comme des spectres, flottants dans leurs uniformes trop grands et trop fins, 7 000 vivent encore. Squelettiques et misérables, ils semblaient plus proches des morts que des vivants. Enfermés dans un corps que la conscience humaine semble avoir déserté, tous leurs gestes témoignent de leur faiblesse.


Depuis plusieurs jours, depuis que les derniers SS ont fui, entrainant dans les marches de la mort plus de 70 000 déportés blessés, épuisés, et dont la majorité va être engloutie dans la nuit et le brouillard des étendues glacées de Silésie, l’usine de mort a cessé son ronronnement perpétuel. Les ordres aboyés, comme en écho aux hurlements des chiens, les cris des victimes et ceux des bourreaux, le craquement des fours, le chuintement feutré des cheminés se sont estompés. Tous ces bruits, les bruits du génocide, ont laissé la place à un silence que les morts partagent alors avec les vivants.


Ils ne le savent pas encore, mais les soldats de l’Armée rouge viennent de découvrir la plus grande industrie de mise à mort jamais conçue et exploitée par l’Homme. Par des hommes qui n’aimaient pas l’Homme. Effarés et interdits, ils ne savent pas encore qu’ils sont au cœur du plus grand charnier de l’histoire. La terre et les nuages bas sont chargés des cendres d’un million cent mille morts, et plus largement, les pays et les vastes contrées d’Europe orientale ont vu 6 millions de Juifs se faire assassiner.


Auschwitz appartient depuis à l’Humanité. La plaie que les nazis ont ouverte sur les terres violentées et torturées de Pologne ne doit ni se refermer, ni même cicatriser dans la conscience des hommes. Elle doit rester vive au cœur de chaque esprit.


Car aujourd’hui, alors que les actes antisémites connaissent un regain indéniable en France et en Europe, alors que certains essayent d’importer un conflit étranger et son lot de déchirures, comment ne pas voir que les causes de l’horreur nazie n’ont pas disparu, mais qu’elles ont plutôt muté, tel un virus qui demande à tuer encore ?


Le « plus jamais » que nous impose la Shoah est un impératif catégorique. Nous devons veiller à son respect avec vigilance et persévérance. Alors aujourd’hui, 80 ans après la découverte d’une horreur qui redéfinit l’horreur même, la République affirme qu’elle ne cèdera rien à l’antisémitisme, rien au racisme. Elle ne cèdera rien à la haine, sous toutes ses formes. Qu’elle s’affiche au grand jour ou qu’elle soit nourrie dans l’ombre, ou l’anonymat des réseaux sociaux.


Commémorer les 80 ans de la libération du camp d’Auschwitz aujourd’hui, c’est savoir que les morts nous écoutent. C’est rendre hommage aux innocents qui ont subi souffrances et tortures dans les camps. C’est accomplir notre devoir de préservation du témoignage historique des crimes qui ont été perpétrés. Et c’est enfin rester fidèle à ce vers d’avertissement de Paul Eluard : « si l’écho de leurs voix faiblit, nous périrons ».


L’enseignement de la Shoah, de son histoire, le travail de mémoire et l’éducation sont les plus puissants antidotes au virus. Car nous ne devons pas oublier que le monde n’a pas su ou n’a pas voulu voir ce qui était à l’œuvre au bout de ces interminables lignes de chemin de fer qui meurtrissaient l’Europe. Nous ne devons pas oublier que la science ou le progrès n’ont pas empêché la destruction méthodique du corps des juifs.


C’est aussi la preuve que la civilisation ne protège pas de l’horreur. Lorsqu’elle est abreuvée de ressentiment et de rancœur, elle devient malade d’elle-même et accouche du pire.


Alors, 80 ans après la fin du génocide, la lutte contre les actes et discours de haine doit être la marque distinctive de notre époque.


Vive la République !

Vive la France !"